Culture en France : les belles moissons festivalières de l’été 2023

Culture en France : les belles moissons festivalières de l’été 2023

Culture en France : les belles moissons festivalières de l’été 2023 1920 1017 SOS - Save our Spectrum

En convalescence depuis les ravages causés par la pandémie, la culture française connaît une nette accélération de ses progrès à la faveur de l’été, saison où prospèrent les festivals, vecteurs privilégiés de la démocratisation culturelle. La grande politique traverse aussi des cycles, moins toutefois ceux des saisons que ceux qu’impose le caractère prioritaire des défis auxquels elle s’attache à répondre : à cet égard, l’avalanche d’urgences (changement climatique, Ukraine, crise de l’énergie, migrations, etc) est si abondante que la culture se trouve de plus en plus souvent reléguée sur un strapontin. Ces deux constats, développés ci-dessous, ne font que mettre en lumière les enseignements d’un rapport de la Cour des comptes qui conseille de formuler plus clairement les objectifs et de contrôler plus strictement leur application en vue d’assurer le succès d’une politique de soutien aux festivals culturels, champ d’action où la France continue à donner l’exemple.

1/ Même s’il est trop tôt, en ce début septembre, pour accéder à des statistiques complètes et encore moins procéder à un bilan exhaustif, l’été 2023 paraît marquer le renouveau du phénomène festivalier. A défaut de publication du nombre d’entrées, la programmation du Festival d’Avignon, de celui d’Aix-en-Provence, de Nice Jazz Festival, du Summer Vibes Festival de Fréjus, ou – pour échapper au tropisme méridional de ces grands rassemblements estivaux – des Vieilles Charrues en terroir breton, a été plus que jamais marquée du sceau de la qualité : ce pari, toujours risqué, semble gagné. Il appartiendra aux organisateurs de tirer les vraies leçons de ce succès, de faire la part de la libération, encore toute récente, des contraintes administratives et psychologiques de la pandémie, celle des mythes collectifs comme une « échappée belle » entre deux vagues virales ou deux guerres, ou celle – plus concrète – de la météo. Mais à parcourir les titres de la presse régionale, un vent d’optimisme a soufflé sur l’été 2023.

2/ Si l’Europe constitue une brillante exception à cet égard – dont la France a longtemps porté le flambeau – l’intervention publique en matière culturelle ne s’inscrit pas dans toutes les traditions nationales autour du monde. C’est donc sans réelle surprise, mais non sans un certain regret, que l’on constate la rétrogradation continue des préoccupations culturelles dans l’agenda politique : tant dans son interview au magazine Le Point le 23 août que dans son discours aux Ambassadeurs le 28 août, le Président de la République s’est montré peu disert sur les questions culturelles, donnant l’impression qu’elles étaient, sinon passées sous silence, du moins réduites à la portion congrue.

Dans le second cas, les Ambassadeurs se sont entendu rappeler – in fine – qu’ils participent à l’exécution d’un « agenda de rayonnement et d’influence », lequel comporte la promotion de la langue et de la culture françaises pour « construire de l’intimité et de la bonne compréhension de ce que nous sommes ». Le premier entretien, consacré aux priorités de la rentrée, s’est concentré sur l’immigration, les problèmes scolaires, l’Ukraine, et, de façon plus ambitieuse, sur la mission de « reciviliser » la société française. La transmission de la culture figure cependant en bonne place parmi les thèmes-clés dont l’impact sociétal pourrait justifier qu’ils soient soumis à référendum, au même titre que l’organisation territoriale (pourtant de sinistre mémoire puisqu’une consultation sur deux sujets connexes avait entraîné le départ du Général de Gaulle en avril 1969).

3/ Nous n’en sommes pas encore là, mais la répartition des rôles entre pouvoirs publics en matière d’organisation de festivals fait l’objet d’une section particulièrement intéressante du dernier rapport de la Cour des comptes : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/63649

On y découvre que « c’est au dynamisme persistant dont ont fait preuve les collectivités locales depuis les années 80 que le fait festivalier doit de s’être fortement diffusé : 62% des festivals existants ont été créés après 2000, 33% après 2011. » Les festivals sont le porte-drapeau de la décentralisation : le rapport entre les interventions de l’Etat et celles des collectivités territoriales est en effet de 1 à 10.

Bien qu’il remonte à 2021, le bilan est flatteur :

  • Le nombre de festivals (7 282, contre 2 000 en Italie et 1 000 en Allemagne) a été multiplié par 4 en 20 ans.
  • Ils sont consacrés pour 75% au spectacle, dont 45% à la musique et 30% au théâtre, à la danse, aux spectacles de rue, etc.
  • 56% d’entre eux attirent moins de 5 000 personnes, 6% plus de 50 000.
  • 75% d’entre eux ont un budget inférieur à 270 000 euros, 6% un budget supérieur à 1,4 million d’euros.

Il n’est cependant pas question pour les organisateurs de se reposer sur leurs lauriers :

  • Une définition claire des objectifs et un suivi précis des résultats sont indispensables.
  • Ainsi le festival d’Avignon – modèle de gestion quant à l’analyse détaillée de son public – fait figure de manifestation de plus en plus élitiste : 73% de son public est d’un niveau supérieur à bac + 3, 38% supérieur à bac + 4 ; on y dénombre seulement 2,4% d’ouvriers ; les moins de 35 ans étaient 32% en 2014, 16% en 2021 ; les plus de 65 ans, 22% en 2016 et 29,5% en 2021.
  • Si le ministère de la Culture entend favoriser en priorité la création artistique et la démocratisation culturelle, il serait avisé de concentrer ses aides sur les festivals qui répondent le mieux à ces objectifs, suggère la Cour des comptes.

La Cour émet d’autres recommandations centrées sur une gouvernance améliorée, des objectifs plus lisibles et un contrôle plus étroit des paramètres qui les encadrent.

En définitive, bel été sur le front des festivals : le public valorise ainsi les choix d’investissement des collectivités territoriales, lesquelles sont d’évidence en première ligne dès lors qu’il s’agit de donner des ailes à la créativité et de répondre aux goûts du public. Il ne reste plus qu’à espérer de la Conférence Mondiale des Radiocommunications qu’elle viendra confirmer en novembre prochain l’attribution des fréquences qui, sans relâche et en toute discrétion, ont fourni les clés de l’impeccable orchestration d’un été inoubliable.

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