L’épidémie de coronavirus a déclenché une crise de santé publique d’une ampleur inconnue jusqu’ici. S’il est trop tôt pour évaluer avec précision l’impact économique de l’arrêt brutal de tous les secteurs à travers le monde, le FMI affirme que nous traversons la pire récession depuis la Grande Crise, la croissance mondiale devant tomber à – 3% cette année.
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Les activités culturelles ne sont pas épargnées: monuments historiques et musées désertés, événements culturels annulés, artistes en grande détresse financière et secteur touristique sinistré. Pour affronter ce défi majeur, l’UNESCO a renforcé ses programmes-phares tels que le Fonds international pour la Diversité culturelle ou le Fonds du Patrimoine mondial, mais aussi pris un certain nombre d’initiatives telles que “ResiliArt”: celle-ci vise à donner un coup de projecteur sur les industries créatives en temps de crise en suscitant un débat entre personnalités-clés choisies dans tous les coins du monde, tout en faisant entendre sur les réseaux sociaux des témoignages d’artistes – chevronnés aussi bien que débutants – cueillis sur le vif. On prend ainsi conscience des ramifications extrêmement complexes que revêt le COVID-19 dans le monde de la culture; de leur côté, les artistes se sentent soutenus à travers cette épreuve et dans les mois qui suivront le retour à la normale.
Hommage bien superflu à son rang de leader culturel, la France subit de plein fouet cette crise: Avignon, festival emblématique (700 000 visiteurs) est annulé; les organisateurs du festival de Cannes s’acheminent vers une décision similaire, triste rappel du faux départ de 1939 et des frasques de 1968; Les Francofolies, Les Eurockéennes, Le Printemps de Bourges, Les Vieilles Charrues, Les Nuits de Fourvière, Jazz à Juan, la liste n’en finit plus des grands événements qui doivent se résoudre à jeter l’éponge.
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De nombreuses initiatives se font jour pour venir en aide aux principales parties prenantes et pour relever ce défi afin d’éviter que l’après-COVID-19 ne prenne la forme d’un désert culturel. Dans le droit fil d’une tradition solidaire, la SACEM, société de gestion collective des droits musicaux, met ainsi à la disposition de ses sociétaires, depuis le 2 avril, toute une gamme de solutions d’urgence:
– un fonds de secours d’un montant de 6 millions d’euros est destiné aux personnes en situation de détresse, leur offrant jusqu’à 5000 euros d’allocation.
– des avances exceptionnelles de droits d’auteur (36 millions d’euros) permettront de pallier des pertes immédiates de revenus, mais aussi les réductions drastiques à attendre dès la reprise, en raison de la chute générale du pouvoir d’achat. Ce programme est accessible pendant un an et les remboursements pourront s’étaler sur cinq ans.
– un renforcement de 1 million d’euros apporté au programme d’aide aux éditeurs de musique aidera ceux-ci à traverser la crise et les accompagnera dans la relance de l’activité.
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Tandis qu’en France les pouvoirs publics et autres parties prenantes mettent les bouchées doubles pour soutenir l’ensemble des acteurs de la culture dans cette crise inédite, il ne fait aucun doute que la culture elle-même sortira de l’épreuve intacte, voire renforcée. Il suffit pour s’en convaincre de méditer cette statistique de l’HADOPI: 53% des internautes français placent la consommation de biens culturels en tête de liste des activités essentielles qui leur permettent de supporter le confinement. Ou encore de se rappeler les myriades de concerts spontanés, oeuvres d’artistes confirmés – voire de célébrités mondiales – aussi bien que d’amateurs, jaillissant des balcons ou inondant les réseaux sociaux.
Les considérations qui précèdent amènent à se poser les questions ci-dessous:
– si la culture nous a prodigué un tel réconfort au temps du virus Corona, si elle a si généreusement atténué les ravages sociaux de cette épidémie tout autour du globe, ne devrions-nous pas lui accorder une plus grande attention une fois la santé recouvrée, au double sens sanitaire et économique?
– si le virus a accéléré notre mutation vers une culture digne de l’ère numérique, celle produite et consommée par le truchement d’outils numériques, ne serait-il pas judicieux d’assurer à ces équipements les meilleures conditions de fonctionnement?
– et lorsque le confinement sera levé et que nous serons enfin libres de quitter nos domiciles pour nous livrer, avec la prudence de rigueur, aux premiers contacts face à face depuis plusieurs semaines, ne conviendrait-il pas de convier la musique à cette célébration et de lui allouer sa juste part de spectre radio-électrique pour éviter toute fausse note de nature à gâcher ces réjouissances?
Patrice Chazerand, représentant de “SOS – Save Our Spectrum” pour la France, la Belgique et l’UE